Saisie par la Commission européenne, l’EFSA a mandaté un groupe d’une quinzaine de scientifiques (en partie extérieurs à l’agence) pour expertiser les procédures standard, par lesquelles sont évalués les risques des pesticides sur les abeilles. Conclusion : ces protocoles ont été conçus pour évaluer les effets indésirables des pesticides pulvérisés et sont inadaptés aux insecticides dits « systémiques » - utilisés en enrobage de semences ou en traitement des sols -, qui imprègnent l’ensemble de la plante au cours de son développement.
De manière générale, explique le rapport, « les expositions prolongées et intermittentes ne sont pas évaluées en laboratoire », pas plus que « l’exposition par inhalation et l’exposition des larves ». Les calculs d’exposition des insectes ne tiennent pas compte de l’eau exsudée par les plantes traitées, avec laquelle les insectes sont en contact. Ils ne considèrent pas non plus les poussières produites par les semences enrobées au cours de la période des semis…
« De même, ajoute le rapport, les effets des doses sublétales ne sont pas pleinement pris en compte par les tests standards conventionnels. » Ces faibles doses ne tuent pas directement les abeilles, mais peuvent par exemple altérer leur capacité à retrouver le chemin de leur ruche, comme l’a récemment montré une étude conduite par Mickaël Henry (INRA) et publiée, le 30 mars 2012, dans la revue Science.
Les tests standards réalisés en champ sont eux aussi critiqués. Colonies trop petites, durée d’exposition trop courte… Des effets délétères, mêmes détectés, s’avèrent souvent non significatifs en raison du trop faible nombre d’abeilles utilisées.
De plus, des « faiblesses majeures » sont pointées par les rapporteurs, comme la taille des champs traités aux insecticides testés. Les ruches enrôlées sont en effet placées devant une surface test de 2 500 m² à un hectare en fonction de la plante. Or, explique le rapport, ces superficies ne représentent que 0,01 % à 0,05 % de la surface visitée par une butineuse autour de sa ruche… Dès lors, l’exposition au produit est potentiellement plusieurs milliers de fois inférieure à la réalité, notamment dans le cas où les abeilles seraient situées dans des zones de monoculture intensive recourant à ce même produit.
En outre, poursuit le rapport, les abeilles devraient être testées pour déterminer si de faibles doses du produit ont déclenché des maladies dues à des virus ou des parasites… De récents travaux, conduits par Cyril Vidau (INRA) et publiés en juin 2011 dans la revue PLoS One, ont en effet montré des synergies entre le fipronil (Régent), le thiaclopride (un néo-nicotinoïde) et la nosémose, une maladie commune de l’abeille…
Sources : Générations Futures, 12 juil. 12 ; Article du Monde par Stéphane Foucart, 9 juil. 12